Hommage posthume – Filigrane – 62

La consigne chez Filigane

La fourmi, la cigale et la Fontaine

La fourni

Monsieur le commissaire, je viens déposer plainte contre ma voisine la cigale. Quelle gale celle-là !

J’étais tranquille dans ma maisonnette, je passais comme tous les jours, un coup de balai sinon ça colle de partout, c’est bon les pucerons mais leur miellat, quelle poisse.

Tout à coup par la fenêtre j’ai vu arriver une mendiante aux ailes défraichies et pendantes, la tête du jour de l’an avec des antennes frisées comme vos moustaches. Elle criait des borborygmes à faire pâlir le capitaine Haddock.

Je l’ai reconnu aussitôt, c’est du harcèlement, Monsieur le commissaire, elle vient chaque année me réclamer des grains d’ellébore, de millet ou de n’importe quoi pour subsister. Je le sais, je l’ai déjà envoyée danser ! Tout l’été, elle chante jusqu’à plus soif nuit et jour. Enfin elle chante, elle grince comme un crincrin de l’avant-guerre de 14. C’est une drôline, elle attire les mâles et hop ! c’est parti pour un tour. Mais faire des provisions ; jamais !  Elle s’est pris un coup de balai au fesses et puis c’est tout.

La cigale

Monsieur le commissaire, je viens déposer une plainte contre ma voisine la fourmi qui m’a chassée de chez elle avec perte et fracas et surtout un bleu aux fesses.

Vous pourrez constater par vous-même, monsieur le commissaire. J’étais tranquille peinarde et j’allais à tout venant cet été faisant clin d’œil à qui voulait bien entendre mes chansons. Je ne faisais point de mal. Seulement je n’ai pas eu le temps de faire mes provisions d’hiver et me voilà SDF. Le compagnon que j’avais trouvé m’a fichue dehors.

Triste et dépitée, les ailes en berne et les antennes en bataille, je suis allée, comme chaque année, chez ma voisine la fourmi pour qu’elle m’aide à passer l’hiver. Je sais bien qu’elle refuse toujours mais on ne sait jamais. Ses placards regorgent de nourriture. Je lui ai demandé quelques grains pour subsister, ne pas mourir de faim jusqu’à la saison nouvelle. Pas moyen, elle m’a traité de pouffiasse et d’autre chose que ne n’ose pas vous répéter. Elle a osé me dire qu’après avoir chanté j’avais qu’à aller danser, que les bastringues ne manquent pas. Elle est jalouse car sur le plan mec, elle n’’en a pas beaucoup.  Et C’est là que sans raison elle m’a flanqué un coup de balai en plein dans les miches.

Voilà monsieur le commissaire.

Le commissaire La Fontaine

Ah bon sang mais c’est bien sûr !  Encore ces deux furies. Quelles harpies ces mégères. Chaque année c’est le même refrain. Elles viennent tour à tour se plaindre l’une de l’autre… Elle ne se kiffe pas. Que faire… l’une veut faire danser l’autre et l’autre fait la manche sans aucun espoir. L’une remplit ses rayons de bouffe et l’autre ne pense qu’à lui piquer.

Cette année je vais les envoyer paître.

2 réflexions sur “Hommage posthume – Filigrane – 62

  1. Quel joli texte , d’une grande fraîcheur et très drôle :La Fontaine doit sourire d’entendre ses célèbres personnages rouspéter dans le langage actuel !
    Amicalement

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