Des mots, une histoire récolte – 20 et 21

l’héritage

J’avais longtemps procrastiné avant de me rendre dans ce bled perdu dans la campagne haut marnaise que je ne connaissais pas encore. Lorsque je suis arrivée devant  cette bâtisse dont je venais d’hériter par je ne sais quel chemin généalogique, mon enthousiasme descendit de quelque degré sur l’échelle de mon espoir. Comme souvent, je bataillais avec un trousseau de clefs légèrement rouillées que m’avait remis avec un sourire narquois,  le clerc de notaire, celui-ci, n’avait d’ailleurs pas daigné être présent lors de la signature préférant probablement aller taquiner le goujon laissant son adjoint tel Uriah Heep de Charles Dickens de David Copperfield.

Je fus  agressée de suite  par l’odeur de renfermé qui régnait à l’intérieur. La propriétaire précédente décédée depuis deux ans, n’avait pas dû faire le ménage depuis des lustres. Cependant, des housses couvraient le mobilier, heureusement car la poussière formait une épaisse couche grise. Dans un coin, je repérais un drapeau australien incongru au milieu de ce capharnaüm. Tout droit je me dirigeais pour ouvrir les fenêtres dont l’une aussitôt chut dans la pelouse afin de respirer librement.

Le rez de chaussée se composait d’une grande pièce carrelée de noir et blanc à l’ancienne mais qui demanderait une restauration…  Autour une cuisine et un cellier puis deux chambres meublée à l’ancien mais sans cachet particulier. Avec réticence, j’ai monté les marches d’un escalier en bois ciré qui avait connu de meilleurs jours et déboulait dans un étage où des pièces inusitées depuis sûrement le siècle dernier baillaient. Là point de meubles recouverts mais un ramassis d’objets hétéroclites, une pile de vieux journaux, la Gazette de l’Est, un ara empaillé qui avait perdu ses couleurs, une boite à meuh comme celle des années soixante et bien d’autres alignés contre le mur dans un ordre que je renonçais à comprendre. Par la fenêtre j’aperçus un petit étang entouré de quelques fougères et roseaux. Sûrement plein de grenouilles, des bulles se formaient à la surface de l’eau tranquille ; des failles dans le mur d’enceinte me fis penser à un morceau de gruyère.

Un grand silence régnait dans cette demeure mis à part les chicotages des souris, habitantes des lieux. Peu à peu je l’apprivoisai cette maison. Mon humeur s’améliora et je redescendis prudemment. Alors que j’évaluai ce nouveau bien, un homme se matérialisa devant moi avec le regard soupçonneux d’un flic avide de faire une bonne prise. Il se présenta comme le notaire, s’excusant de n’avoir pu être présent à notre rendez-vous. Deux heures plus tard, nous étions assis dans le petit bistrot du bled perdu, devant un chocolat mousseux, à deviser sur les avantages de la campagne….